SERGE HARTMANN dans
le journal DNA sur l’exposition « OBSOLESCENCE » de Bernard LATUNER
et Patrick BÉCUWE
Attention, danger !
L’un par la peinture, l’autre par la sculpture et
l’installation, portent un regard aussi
pessimiste qu’attendri sur le monde actuel : Bernard Latuner
et Patrick Bécuwe sont
réunis par le galeriste Thierry Lacan.
Ces deux-là ne se connaissaient pas mais étaient faits pour
se rencontrer. Lacune désormais comblée par le galeriste et éditeur d’art strasbourgeois
Thierry Lacan qui, par-delà les différences de techniques et les singularités formelles, a bien saisi
les points de convergences de leurs travaux.
De Bernard Latuner, qu’on ne présente plus, on retrouve le goût
pour une peinture portée par un dessin solidement maîtrisé. L’artiste mulhousien présente
une série de « portraits » d’animaux qu’il intègre dans une réflexion plus générale sur la
disparition des espèces et la mise en danger de la nature.
Bisons, rhinocéros ou éléphants : il scrute au plus près
leur regard mais aussi la matière même de leur peau épaisse, les plis et les craquelures du cuir,
qu’il restitue en jouant subtilement sur les valeurs de noir, de gris et de blanc – une palette qu’il
tend d’ailleurs à assombrir au fil de la série.
« Ce sont des bêtes qui semblent surgir de la préhistoire.
Elles ont traversé le temps, et aujourd’hui, la rapacité des hommes risque de les faire
disparaître à jamais », commente Bernard Latuner, dans un soupir fataliste. La couleur peut
apparaître sur d’autres toiles qui mettent en scène des charniers d’animaux qu’évacuent grues et
bulldozers.
Ambiguïté de l’artiste dont on décèle aussi le plaisir à
peindre ces machines qui broient les corps, cet acier qui viole les chairs. « Ce sont des motifs
intéressants à peindre. Une machine, c’est beau, aussi ! », admet Latuner.
Autre approche avec le plasticien Patrick Bécuwe qui se
partage entre Paris et la Bourgogne. Son Icare , grande sculpture constituée de pièces en bois agencées
les unes aux autres et sommairement taillées, joue sur l’équilibre, le plein et le
vide d’un corps déjà réduit à l’état de squelette. La tension d’une dorsale évoque la chute de celui
qui a osé s’approcher trop près de l’astre solaire.
D’autres petites pièces privilégient les thèmes de nos
sociétés hyperconnectées, d’une nature soumise à dure pression, de la mort animale ou de
l’hybridation. L’esthétique est brutale, s’adosse à des matériaux aux antipodes de ceux utilisés dans
la production de masse de nos sociétés postmodernes – le bois brut, le plomb…
Une même tension mélancolique que celle de Latuner traverse
son travail. Une poésie de la disparition. Quelque chose de la chronique d’une mort
annoncée.
On ne peut pas assurer que le visiteur, en quittant
l’exposition, aura l’esprit débordant d’optimisme…
Jusqu’au 31 octobre, à l’Estampe, 31 quai des Bateliers.
www.estampe.fr
Voyez aussi: https://www.facebook.com/events/916329038439905/
L'Estampe - galerie d'art & éditeur - 31 Quai des Bateliers - 67000 Strasbourg
Tel. 03 88 36 84 11 - Fax. 03 88250180 - info@estampe.fr - www.estampe.fr
Devenez ami avec L'Estampe sur facebook et suivez nos événements